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La double nationalité : réflexion sur le cas du Cameroun

Bref état des lieux

Nous n’allons pas trop nous attarder dans cette partie qui ne sert qu’à rappeler l’état des lieux au Cameroun. Selon la Loi n° 1968-LF-3 du 11 juin 1968, Portant code de la nationalité camerounaise, chapitre 4, paragraphe premier, article 31, alinéa a :

« Perds la nationalité camerounaise le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve volontairement une nationalité étrangère. »

La loi est donc claire pour tout le monde sauf pour tous ceux qui aimeraient voir se réaliser leurs rêves. En attendant que cela se passe, pour une fois que les dirigeants camerounais s’attèlent à respecter la loi, on ne boudera pas notre plaisir. Sans détour nous comprenons et acceptons totalement que certains camerounais détenteurs d’un passeport étranger émettent le désir que la loi change, voir évolue. Mais la question qui devrait être posée est la suivante :

« Est-il dans l’intérêt de la nation que la double nationalité soit acceptée ou bien celui d’un petit nombre ? »

C’est à cette question que nous allons tenter de répondre en prenant en compte tous les aspects et surtout les arguments avancés en faveur du oui.

Qui demande la double nationalité ?

On pourrait penser que le fait que ce thème soit aussi populaire et régulièrement discuté sur les plateaux télévisés et sur la toile est pour raison l’unanimité totale du peuple camerounais en faveur du oui. En réalité il n’en n’est rien car les questions qui préoccupent le plus nos compatriotes restés sur le territoire sont les questions économiques, sociales, politiques, sécuritaires.
Qui sont donc ceux qui ont tout intérêt à ce que la constitution change en faveur du oui ? D’une manière « pauschal« , on dira la Diaspora !
Qui est donc ou qu’est-ce que c’est que la diaspora ?

Diaspora

Terme qui désigne des personnes originaires d’un même pays vivant à l’étranger. On pourrait donc croire que de ce simple fait tous les camerounais de nationalité ou d’origine vivant à l’étranger seraient favorables au OUI. Je n’en suis pas si sûr !
Et pour preuve considérons juste leur titre de séjour qui va d’étudiant, à travailleur, en passant par les demandeurs d’asile ou même ceux qui y vivent de manière illégale. Peut-on dire que juste parce qu’ils sont originaires du même pays, cela suffirait à dire que leurs intérêts seraient similaires ? Ou alors que le fait qu’une telle loi soit adoptée soit le fait d’une volonté commune ? Nous allons examiner quelques status les plus fréquemment obtenus dans la diaspora camerounaise vivant en Occident :

a) L’étudiant : quand on est étudiant en général on n’a pas de souci. C’est l’un des statuts les plus avantageux lorsqu’on décide de quitter son pays pour l’extérieur car selon les conventions internationales signées par les pays d’accueils, le statut d’étudiant confère au détenteur bien plus de droits et d’avantages que celui par exemple qui vient pour du tourisme. On est par exemple libéré de charges sociales, voire d’impôt, on a la possibilité de travailler partiellement ou de recevoir des bourses d’études etc.

b) Le travailleur : ce statut permet comme celui de l’étudiant également d’avoir une flexibilité de vie ou de gestion selon les conditions qui s’appliquent. En général quand on obtient un statut de travailleur, on peut pratiquement tout faire. On a accès à une large gamme de prestations sociales qui permettent de s’intégrer, de fonder une famille et même pour les plus fougueux de créer des entreprises etc.

c) le demandeur d’asile : ce statut est certainement celui par lequel tous ceux qui ne possèdent ni le statut d’étudiant ni le statut de travailleur doivent passer s’il veut être ou rester dans la légalité. Il est périlleux car il s’obtient ou bout d’un long processus de contrôle. À la fin, l’heureux détenteur peut jouir de tous les droits que lui confère ce statut. Il peut ainsi commencer une nouvelle vie, trouver un emploi et même décider d’investir etc.

Cette brève présentation de ces 3 statuts, qui correspondent à ceux les plus fréquemment rencontrés au sein de la diaspora camerounaise démontre que l’unanimité ne peut pas être totale. On ajoutera qu’il existe plusieurs autres statuts non mentionnés plus haut. Libre à chacun d’en rajouter ou d’en retirer.

Comme le montre bien les antagonismes de classe dans l’ancien monde, prolétariat contre bourgeoisie, les intérêts premiers d’un individu sont d’abord définis par la classe sociale à laquelle il appartient. Ce qui n’empêche pas de faire cause commune dans certaines luttes ou revendications politiques. Mais en ce qui concerne la double-nationalité, ces intérêts sont différents selon qu’on appartient à un groupe ou à un autre.

Vision à long terme du développement d’une nation

En réalité à la question du « pour ou contre » la double nationalité, tous les camerounais devraient se poser la question déjà mentionnée plus haut : Est-il de notre intérêt à tous d’introduire la double nationalité dans la constitution camerounaise ? En ce qui me concerne, ce serait une erreur grave qui ne ferait que cacher un peu plus notre incapacité commune à se développer dans tous les sens du terme sans s’accrocher comme une sangsue à un quelconque tierce pays. Donnons pour mieux expliquer à nos compatriotes quelques exemples :

Nous sommes actuellement dans une crise identitaire sans précédent dans laquelle nos concitoyens de langue anglaise originaires des régions du Nort-Ouest et du Sud-Ouest se sentent relayés à un rang de camerounais de deuxième zone. Le simple fait d’avoir revendiquer de meilleures conditions de vie leur a valu le statut d’ennemi public et ils se sont vus ainsi martyrisés, terrorisés, humiliés à tel point que beaucoup aujourd’hui émettent le désir de se séparer pour créer leur propre état. Mais pourquoi évoquer cette crise communément appelée crise anglophone ? Tout simplement parce-que nous avons là un cas probant dans lequel une partie de nos concitoyens se sentent relayer à un rang de camerounais de branche. Que l’on considère ce sentiment exagéré ou même utopique, en attendant la réalité est bel et bien là ! Nous faisons la guerre à nos frères et sœurs ! Quand on y réfléchit bien, ce problème identitaire remonte à l’année 1972 quand L’ex-président du Cameroun a décidé de manière frauduleuse d’organiser le référendum du « oui » en dépit de tous les accords passés et de la constitution de 1961 qui faisait déjà du Cameroun, un pays unifié sous la bannière fédérale. Beaucoup alors se poseront la question, mais quel rapport avec la double-nationalité ? Et je leur dirai, qu’il est exactement pareil. Adopter la double nationalité créera de fait, deux types de camerounais : d’un côté les camerounais qui n’auront qu’un passeport, et de l’autre ceux possédant au moins 2. Si les pouvoirs publics jusqu’à présent n’ont pas pu jouer leurs rôles de garants de nos droits et libertés et aussi de s’assurer que le sentiment d’appartenance aux valeurs républicaines soit égal à tous, comment voulez-vous qu’ils y arrivent quand la difficulté sera encore plus grande en introduisant la reconnaissance d’une seconde nationalité ?

À cela faudrait ajouter les droits et devoirs auxquels auront droit tous ces camerounais binationaux ? Par exemple lors des élections régionales ou législatives, un franco-camerounais aura-t-il le droit de se présenter ou pas ? Qu’en sera-t-il de l’élection présidentielle ? À mon humble avis, le ou la candidate à l’élection présidentielle devra après son élection défendre les intérêts du peuple camerounais. Pas du peuple franco-camerounais, germano-camerounais etc. Telle est l’idée que je me fais de ce titre. Et si votre réponse est de dire, aucun binational ne pourra se présenter à une élection présidentielle ou à une autre ; ou alors que cela ne pose absolument aucun problème qu’on ait un binational candidat à une élection d’une telle importance. Dans les deux cas, on aura un énorme problème, car dans le premier cas de figure comme déjà mentionné plus haut, vous aurez une entorse faite à l’esprit de la loi qui est que chaque citoyen devrait avoir les mêmes droits et devoirs et par conséquent si un camerounais (sans double passeport) peut se présenter à une élection quelconque alors un binational le devrait aussi, vu que sa double nationalité est inscrite dans la constitution. Vous commencez à comprendre ?
Dans le deuxième cas de figure si vous répondez à l’affirmative, en disant qu’un binational peut se présenter à une élection comme le pourrait tout autre camerounais, alors là le dilemme est encore plus grand. Imaginez-vous un seul instant que le nouveau président fraichement élu doive gérer un dossier d’une extreme importance dans lequel l’Allemagne et le Cameroun sont impliqués. Sachant qu’il possède un passeport allemand, à qui pensez-vous qu’ira son allégeance ? À l’Allemagne ou au Cameroun ? C’est une question d’une importance capitale car comme je l’ai déjà mentionné, le président d’un pays est élu pour défendre les intérêts de son peuple envers et contre tous. Le président du Cameroun devrait donc dans cette logique défendre les intérêts des camerounais et des camerounaises. Mais étant donné que le président fraichement élu est binational, cette maxime n’est plus vraie donc pose un vrai problème quant aux différents conflits d’intérêts existants.

Vous voyez comment avec de simples exemples clairs et précis et une vision à long terme, on arrive à clarifier des questions d’une extreme importance qui sont malheureusement traitées dans la plupart des cas avec négligence et légèreté pour flatter quelques instincts bas de quelques citoyens vivant à l’étranger. Je pourrai ajouter d’autres exemples pour démontrer qu’une telle démarche serait aller dans le mauvais sens pour un pays qui se veut indépendant, autonome et fort. Par exemple les questions d’ordre judiciaire, fiscal, sécuritaire etc.
On n’a pas besoin de reconnaitre la double nationalité au Cameroun. Ce dont nos compatriotes vivant à l’étranger ont besoin c’est d’une administration présente, à l’écoute qui connait leurs préoccupations et qui mets tout en place pour leur garantir une sécurité et une meilleure intégration par des procédures d’accompagnement qui peuvent aussi bien être financières qu’administratives.

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